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Jan 15

Talking Point plates-formes chinoises

Cher Monsieur, chère Madame,

Chaque jour, des milliards de consommateurs du monde entier utilisent l’internet pour acheter une grande variété de produits et de services. L’année dernière, les consommateurs belges ont acheté 16,3 milliards d’euros en ligne. Les e-commerçants belges ont réalisé 10,8 milliards d’euros* par le biais de leurs propres boutiques en ligne. La différence de 5,5 milliards d’euros a été dépensée sur des places de marché ou dans des boutiques étrangères.

Les achats en ligne ne connaissent manifestement pas de frontières et nous voyons de plus en plus de consommateurs acheter sur des plates-formes ou des boutiques en ligne non européennes. En Belgique également, nous assistons à l’essor rapide des commerces chinois, tels qu’Alibaba, Temu et Shein. Ces acteurs, qui tentent de capter le plus possible les consommateurs grâce à d’énormes budgets de marketing, sont devenus des sites très fréquentés, tant en Belgique que dans d’autres pays de l’Union européenne.

Les pratiques commerciales adoptées par ces nouveaux acteurs extérieurs à l’UE soulèvent de plus en plus de questions quant au respect des règles applicables en Europe. Cela concerne à la fois la protection des consommateurs, la sécurité des produits et le respect des réglementations en matiére de durabilité. L’impact sur les économies belge et européenne est disproportionné. En tant que secteur belge du commerce électronique, nous demandons aux gouvernements belge et européen de prendre des mesures.

Produits dangereux

Ces dernières semaines, Test Achats, en collaboration avec le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), a déjà déposé une plainte contre la boutique en ligne chinoise Temu and Shein et mis au jour des pratiques frauduleuses en matière de sécurité des produits. Des actions qui peuvent également compter sur notre soutien et qui sont plus qu’urgentes et nécessaires.

En effet, les fournisseurs chinois commercialisent de plus en plus de produits dangereux. Souvent, ils ne répondent pas aux exigences de l’UE en matière de sécurité des produits et d’étiquetage, comme par exemple l’absence de marquage CE sur les jouets et les produits électroniques **.

De plus, les chiffres des douanes belges montrent que lors des contrôles à Bierset, entre 20 et 40 % des marchandises contrôlées et/ou ne portant pas le marquage CE sont des contrefaçons ou des produits dangereux qui vont à l’encontre de la réglementation européenne en matière de santé.

Tout cela est dû au modèle d’entreprise adopté par certaines plateformes chinoises (telles que Temu,…). Elles utilisent un “système d’enchères” dans lequel les fournisseurs sont mis en concurrence pour fabriquer des produits au prix le plus bas possible. Cela se fait alors (souvent) au détriment de la qualité ou de la sécurité du produit.

Force est de constater que les ressources sont insuffisantes pour inspecter les produits ou les stocks de ces acteurs et qu’il manque souvent un contact ou un point de contact de la plateforme en Europe.

Emplâtre sur une jambe de bois

Par ailleurs, la réglementation actuelle n’est pas adaptée aux envois de commerce électronique. Dans les envois dits ‘matryoshka’, plusieurs paquets individuels sont emballés dans des boîtes plus grandes et importés par avion. Cette pratique est incontrôlable et a des conséquences administratives importantes. Il est donc difficile de faire face au tsunami des importations chinoises de commerce électronique. En 2023, près de 435 millions d’articles ont été importés de cette manière en Belgique/Europe. Pour le premier trimestre de cette année, les douanes belges parlent d.j. de 215 millions d’articles.

En outre, les exigences en matière d’information imposées à ces entreprises chinoises sont insuffisantes, ce qui complique le contrôle pour les douanes. La capacité de contrôle actuelle de nos douanes belges est de 300 personnes à Bierset (Cainiao eHub). Ces personnes doivent contrôler un flux quotidien de millions de boîtes. Elles disposent donc de trop peu de ressources technologiques pour contrôler efficacement ces envois ‘matryoshka’.

La durabilité en danger

Avec l’introduction du Green Deal, les entreprises (européennes) doivent également investir de manière significative dans des modèles d’entreprise plus durables, rendre compte de leurs émissions de manière transparente et aider de plus en plus les consommateurs à prendre des décisions d’achat réfléchies.

Selon Reuters***, un tiers du transport aérien est aujourd’hui en effet utilisé pour expédier des paquets d’achats en ligne (individuels) par des plateformes de commerce électronique asiatiques. Ces exportations bénéficient également d’un soutien logistique et financier de la part du gouvernement, ce qui permet une croissance exponentielle des ventes sur des marchés tels que l’UE. De plus, elles façonnent une infiltration rampante au détriment des moyens de subsistance des entreprises belges et européennes. Le déficit commercial de la Belgique augmente d’ailleurs à 3 milliards d’euros par rapport à la Chine, compte tenu de la quasi-absence d’exportations belges vers la Chine.*****

Qui plus est, un système de rotation est utilis. : pour maintenir le syst.me de subvention chinois, un nouvel aéroport européen différent est choisi comme destination finale au bout de trois ans. Une fois la destination atteinte et tous les colis déchargés, l’avion repart vide. Ces vols de retour à vide sont payés par le gouvernement chinois.

De surcroît, les colis arrivant dans l’UE ont déjà été pourvus des étiquettes d’adresse nécessaires dans les centres de traitement chinois qui ont eux aussi été construits avec l’aide ou le financement des pouvoirs publics. Par conséquent, l’échange de commerce et/ou de l’emploi durables sont totalement absents.

Cela crée donc des conditions de concurrence inégales. Les entreprises européennes supportent le coût du recyclage et de l’élimination des produits. Grâce aux subventions aux émissions de CO2 de la Chine, leur impact n’est pas répercutées dans les prix aux consommateurs, qui peuvent donc acheter les produits à des prix impossibles à atteindre pour les fournisseurs de l’Union européenne.

La disparité pour les commerçants belges et européens est exacerbée par l’évasion des droits d’importation. Les acteurs chinois les évitent en sous-évaluant les colis, ce qui leur permet d’échapper aux droits d’importation. Les acteurs non européens qui importent des marchandises de l’extérieur de l’UE peuvent le faire plus facilement sans droits d’importation grâce aux envois ‘matryoshka’ susmentionnés, tandis que les acteurs européens ont pour leur part des marchandises dans l’UE sur lesquelles des droits d’importation ont été acquittés. Le gouvernement belge a récemment été condamné à une amende de 250 millions d’euros par la Commission européenne pour ces sous-évaluations.

Avec l’augmentation de l’afflux, le manque de personnel et de ressources techniques, cette situation est devenue intenable pour nos douanes belges. Ici aussi, les autorités et les régulateurs belges ont un rôle important à jouer. Avec l’implantation du centre logistique chinois Cainiao eHub . Liège, la Belgique doit assumer sa responsabilité dans ce domaine.

En tant que fédération du secteur, Becom plaide donc pour :

  1. l’adaptation de la réglementation européenne à la réalité actuelle du commerce électronique l’importation, et permettre un contrôle plus efficace ;
  2. l’imposition d’obligations d’information supplémentaires aux fabricants et aux plates-formes chinoises ;
  3. l’augmentation de la capacité de contrôle des douanes ;
  4. l’équipement des douanes en technologies modernes de balayage ;
  5. l’application de sanctions appropriées à l’encontre de ceux qui enfreignent les règles.

Une application efficace et coordonnée de la législation

Afin de créer un environnement en ligne sûr pour les consommateurs et de garantir une concurrence loyale pour les entreprises belges, nous, en tant que fédération belge du commerce électronique, demandons des mesures urgentes. Ces mesures devront contrôler les pratiques commerciales et le respect de la législation en matière de durabilité et de droit de la consommation par les nouveaux acteurs extracommunautaires qui visent le marché européen.

Il est important que les réglementations européennes et nationales – en termes de protection des consommateurs, de sécurité des produits, de marché intérieur et de durabilité – soient appliquées de manière cohérente et selon les mêmes principes, et qu’elles puissent être appliquées à toutes les entreprises opérant dans l’UE, quelle que soit leur origine. C’est pourquoi, en tant que fédération, avec 15 pays représentés au sein de l’organisation faîtière E-commerce Europe, nous tirons la sonnette d’alarme.

Cela contribuera à créer des conditions de concurrence équitables et sera, en fin de compte, dans l’intérêt (de la sécurité) des consommateurs belges, du commerce en ligne, de l’économie belge et d’un climat sain. En tant que défenseur d’un secteur électronique sécurisé, fiable et durable, nous aimerions engager le dialogue avec vous.

Je vous prie d’agréer, Monsieur/Madame, l’expression de nous salutations distinguées.

Greet Dekocker
Directeur Générale de Becom

Marc Périn
Chef des affaires publiques

À propos de Becom

Becom est la fédération belge e-business, résultant de la fusion entre les associations sectorielles BeCommerce et SafeShops.be. Becom se concentre sur la stimulation du commerce électronique et l’économie numérique belge. En tant que fédération, Becom plaide pour que l’économie numérique belge prenne toute la place qui lui revient, tant dans le débat social que dans le paysage européen en ligne. Elle traduit les besoins et les exigences du secteur et est donc le point de contact des décideurs politiques et des autres parties prenantes. Becom souhaite accroître la confiance des consommateurs dans les achats en ligne en les informant sur la sécurité, la fiabilité et la durabilité du commerce numérique. Elle fournit un cadre permettant aux boutiques en ligne belges de devenir ‘first in class’, pour les soutenir et les guider dans leur croissance. Becom le fait pour les entrepreneurs numériques B2B, B2C et D2C.

Sources

*MarketMonitor Becom, mars 2024

**https://www.toyindustries.eu/95-of-toys-bought-from-new-online-platform-break-eu-safety-rules/

*** Focus: Rise of fast-fashion Shein, Temu roils global air cargo industry | Reuters, 2024

****Party-state Support for Chinese E-commerce Export Development”, Author: Łukasz Sarek, Foray

China. Published in May 2024 by e-Izba (Polish Chamber of the Digital Economy).

***** “Worse than Cocaine”, Assessing the Impact of Alibaba’s Mega-Hub in Liege, Belgium

Jonathan Holslag , 2023